Avec plus de 8 millions(1) de personnes adultes souffrant d’obésité en France, cette maladie est devenue un enjeu majeur de santé publique. Souhaitant répondre aux interrogations de sa communauté d’utilisateurs, Medaviz a invité le Dr Cyril Gauthier, Médecin nutritionniste, formé à l’APHP et exerçant à Dijon.
Après avoir monté un service de 102 lits nutrition/obésité/chirurgie bariatrique en Bourgogne, il fonde l’EMNO (Espace Médical Nutrition et Obésité) en 2017, qui porte l’une des premières expérimentations d’innovation en santé de l’article 51. Il copilote également le comité stratégique du parcours nutrition santé de l’ARS BFC et participe au groupe de travail de la HAS (Haute Autorité de Santé) sur les parcours nutrition obésité.
Jeudi 25 février, il a répondu aux questions de ses consœurs et confrères, lors du Medaviz Live consacré à l’obésité et au surpoids.
Quelle est la situation actuelle en France ?
La moitié de la population est en surpoids et 17,4 % souffre d’obésité, avec une fracture entre le Nord et le Sud. La problématique est que cette obésité devient de plus en plus précoce. Elle est également de plus en plus sévère. Nous voyons des obésités de grade largement supérieur à 3 avec des IMC supérieures à 60. C’est un problème de santé publique majeur d’un point de vue médico-économique, avec des complications sociologiques, médicales, sociales, largement mises en évidence ces six derniers mois avec la crise Covid. Les personnes, dès le stade de surpoids, nécessitent plus d’hospitalisation que les autres. C’est une situation qui est préoccupante.
L’IMC est-elle synonyme d’obésité ?
Nous utilisons tous l’Indice de Masse Corporelle (IMC). C’est pourtant un outil statistique et épidémiologique conçu par Adolphe Quetelet, pour définir un risque de mortalité d’une population. Nous voyons bien qu’à titre individuel, cela ne fonctionne pas très bien.
La définition de l’obésité est un excès de masse grasse qui entraîne des inconvénients pour la santé, la santé se définissant par un bien-être physique, mental et social. Certaines personnes peuvent souffrir énormément de leur excès de masse grasse à 27 ou 28 d’IMC, alors que les sportifs de haut niveau ont des IMC au-delà de 30 et n’ont pas d’excès de masse grasse. Le poids ne définira jamais correctement la problématique de l’obésité. Il reste un symptôme de la pathologie et si nous ne traitons que le symptôme, nous ne traiterons pas la pathologie qui est sous-jacente. C’est important de détacher la prise en charge du poids, qui reste un indicateur sans refléter réellement la pathologie.
Comment définir l’obésité ?
Cette pathologie est très complexe. Nous pouvons parler de pathologie d’organe (la graisse) avec une inflammation et une fibrose qui s’installe avec le temps. C’est aussi une maladie endocrinienne, puisque cette graisse est le siège d’une cinquantaine de sécrétions d’hormones. C’est également une maladie systémique avec un dysfonctionnement du tissu adipeux, qui va influencer l’ensemble de l’organisme.
C’est une maladie sociale, qui impacte davantage les catégories socioprofessionnelles les moins aisées. On voit aussi que les personnes souffrant d’obésité ont du mal à progresser professionnellement. Cela crée un paradoxe dans une société qui pousse à la consommation.
L’élément qui est le plus important pour moi, est qu’il s’agit d’une maladie comportementale. La quasi-totalité de mes patients sait très bien manger équilibré. Ce n’est pas un problème de connaissances. Ce sont des comportements qui sont acquis dès l’enfance, puis renforcés par la société.
Il y a aussi une inégalité génétique, que les patients vont vivre comme une injustice. Visuellement, elle se voit à partir de 8 ans, puis cette prédisposition va se confirmer pendant l’adolescence. Pour les plus jeunes patients, c’est la famille qui doit être la cible thérapeutique.
Pouvez-vous nous parler des régimes ?
Nous savons très bien depuis 40 ans, que la diète ne marche pas sur le long terme. Si le régime fonctionne avec un patient, c’est peut-être parce qu’il n’est pas prédisposé au surpoids. Nous sommes sur une démarche comportementale, donc proposer la même méthode à tout le monde ne marchera jamais. C’est bien le problème des régimes, qui peuvent être efficaces pour 5 % des personnes. Les autres vont culpabiliser de ne pas arriver à faire ce qui était promis.
Depuis les années 1970, nous avons une explosion des régimes restrictifs et en parallèle une augmentation de l’obésité, car ils stimulent la résistance à la perte de poids. Cela amène à des pratiques, qui globalement entraînent des carences. Et nous savons qu’une personne faisant vingt régimes dans sa vie, consomme beaucoup moins d’énergie qu’elle ne devrait au repos.
Quelle est la place du médecin généraliste dans le parcours de soins ?
Il n’est pas simple d’aborder le sujet avec ses patients. Nous pouvons toujours l’approcher par des questions un peu indirectes : Avez-vous déjà tenté de perdre du poids ? Est-ce que la question du poids altère votre qualité de vie ?
S’ils répondent “non”, ils reviendront peut-être avec ce sujet lors d’un prochain rendez-vous. S’ils répondent “oui”, cela peut enclencher un parcours de soins. On essaie alors de réaliser un profilage simple du patient en allant chercher où sont les calories en trop. On va essayer d’améliorer la qualité sans supprimer le plaisir. Manger équilibré doit rester simple et on peut s’aider du Nutri-Score.
En termes de volumes, nos patients mangent trop et c’est là qu’il faut intervenir. Soit nous leur imposons une quantité comme les régimes, soit nous travaillons sur le rassasiement. Nous faisons également attention à ce qui se passe entre les repas, aux habitudes, à l’éducation qui impose de finir son assiette, aux émotions. Il faut toujours regarder s’il y a des déclencheurs de prise alimentaire et expliquer que l’on peut se faire plaisir sans grande quantité. Il ne faut pas culpabiliser les patients, simplement leur faire comprendre pourquoi ils grignotent et les accompagner dans la compréhension du comportement.
Les groupes d’échanges peuvent par ailleurs être très bénéfiques pour cette maladie chronique, qui nécessite une prise en charge centrée sur la personne et pas sur la pathologie.
Quel est votre retour d’expérience de l’Espace Médical Nutrition et Obésité ?
Nous avons mis en place une expérimentation de type Article 51 du PLFSS 2018 (Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale), qui permet les innovations en termes d’organisation des parcours de soins. Notre programme concerne la Côte-d’Or avec les départements limitrophes. Il est prévu pour 5 ans et 770 patients seront inclus, tous souffrant d’obésité avec ou sans trouble du comportement alimentaire, avec ou sans chirurgie bariatrique.
Nous avons une équipe de médecins, infirmiers, etc. pour établir un profilage et créer un parcours avec une gradation des soins. L’expérimentation a commencé en octobre 2019 et inclut déjà 195 patients, malgré les mois de fermeture du confinement. Nous observons sur la première année une perte de poids moyenne de 4,6 kg (des patients non opérés) et 80 % des patients ont perdu du poids. Dans le cadre de ces parcours nous avons conçu un outil digital d’éducation thérapeutique (emnoline) qui accompagne aujourd’hui 1 400 utilisateurs avec plus de 4 400 ateliers réalisés.
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Forte de plusieurs expériences en Gestion de projets Marketing & Parcours client, autant en startup que dans des grands groupes, Clara apporte ses compétences stratégiques et opérationnelles à Medaviz.