Désireux d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients aux urgences et de réduire la durée des passages, l’hôpital Saint- Vincent- de- Paul de Lille a déployé depuis 2019 un dispositif innovant de suivi en télémédecine à J+1 à l’issue d’un passage aux urgences.
En favorisant le suivi des patients à domicile via l’outil de téléconsultation Medaviz, le service des urgences a ainsi fluidifié les parcours de soins des patients et est parvenu à désengorger son service.
Dr Enrique Cordova (Médecin urgentiste à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul de Lille) nous a présenté le dispositif “téléconsultation post urgences” ou “TELE-SCOPE”, et nous dévoile la genèse, les enjeux et les résultats de leur expérimentation.
Retour d’expérience sur cet usage de la télémédecine au service du désengorgement d’un service d’urgences.
Pouvez-vous expliquer en quoi consiste le projet TELE-SCOPE ?
Ce dispositif inédit propose de mettre en place un suivi en téléconsultation pour certains patients, 24h après leur sortie des urgences et retour à domicile.
Quel était le contexte au moment du lancement ?
Nous avons lancé ce projet en 2019 dans un contexte mouvementé. Il y avait un mouvement social sans précédent dans les services d’urgences à cause des conditions extrêmement difficiles et de l’“équation impossible”.
En effet, en 2000, 50 000 places d’hospitalisation étaient disponibles en France pour 12 millions de passages annuels par les urgences. En 2017, 21 millions de passages étaient recensés, avec 10 000 places en moins. Il était impossible pour les services d’urgences de gérer ces flux de patients, ce qui donnait lieu à l’engorgement des urgences.
Quelles sont les conséquences de l’engorgement des urgences ?
Une des conséquences directes est l’augmentation de la mortalité :
- + 9% chez les personnes valides,
- + 30% chez les personnes fragiles.
Ces chiffres énormes donnent une idée de l’importance et de la gravité de la situation aux urgences.
Elle a également d’autres effets directs :
- L’augmentation de la durée d’attente et un retard de la prise en charge.
- Des erreurs thérapeutique et de diagnostic.
- Des hospitalisations non nécessaires.
- Des bilans répétés.
- Une augmentation de la violence au sein des services et de la maltraitance.
Ce constat nous a encouragés à trouver des moyens de désengorger les urgences.
Quel a été le point de départ de ce dispositif ?
Un rapport de la Cour des Comptes en 2019 a pris comme problème central le désengorgement des urgences et proposait de développer des alternatives aux urgences hospitalières. Nous avons saisi cette opportunité pour développer le projet.
Le point de départ de ce projet a été un constat : 30% des hospitalisations aux urgences s’avèrent être non pertinentes. De là est née l’idée de cibler certains patients (à hauteur de 30%) et les laisser sortir des urgences avec un suivi en téléconsultation assez précocement.
TELE-SCOPE a donc été mis en place au sein du service des urgences de l’hôpital Saint-Vincent–de-Paul à Lille, début 2020.
Quel type de patients ont fait partie de ce dispositif ?
Nous avons ciblé les patients qui pouvaient intégrer ce parcours. Nous avons donc défini des critères très précis d’inclusion et d’exclusion, parmi lesquels :
- un constat d’hospitalisation non nécessaire,
- une absence de diagnostic précis,
- un besoin de réévaluation clinique pour le pronostic.
De plus, tous les patients ciblés doivent être :
- dans la catégorie de classification des malades aux urgences CCMU 2-3,
- être valides,
- être accompagnés,
- et disposer d’un smartphone.
Comme ce dispositif est innovant, aucune donnée n’était disponible sur la typologie des patients qui allaient être concernés. Nous étions donc préparés à recevoir toutes sortes de patients; et notamment des patients gériatriques car ils sont souvent hospitalisés en vue d’un suivi le lendemain. Finalement, ça n’a pas été le cas.
Parlez-nous de sa mise en place grâce à Medaviz.
24 heures après leur sortie des urgences et leur retour à domicile, on les revoit en téléconsultation via la solution Medaviz et là, trois situations sont possibles :
- L’évolution du patient est favorable. Le patient reste chez lui et on l’encourage une prise en charge chez son médecin traitant.
- L’hospitalisation directe s’avère nécessaire. Dans ce cas, on convoque le patient pour une hospitalisation, et on se met en relation avec le service concerné (médecine interne, gériatrie, rhumatologie, et hématologie).
- Le patient nécessite un examen complémentaire (tels qu’une échographie, un échodoppler ou un scanner abdominal par exemple). Dans ce cas, on lui planifie et prescrit un rendez-vous où il est attendu par l’équipe concernée, ce qui facilite le diagnostic et permet un gain de temps.

Vous souhaitez en savoir plus sur nos solutions de télémédecine ?
Quelles étaient vos attentes pour les patients ?
Nous avions de nombreuses attentes pour nos patients :
- Amélioration diagnostique et thérapeutique.
- Diminution des hospitalisations inadéquates.
- Augmentation des hospitalisations directes.
- Réduction du temps de passage aux urgences.
- Accès aux examens complémentaires facilité.
- Diminution des complications (chutes, agitation, infection…).
- Meilleure confiance en notre hôpital .
Et quels étaient vos objectifs pour le service des urgences ?
Côté service des urgences, nos objectifs étaient de :
- Limiter l’encombrement et optimiser le flux de patients.
- Les orienter vers la bonne filière de soin.
- Améliorer la qualité des prises en charge.
- Augmenter les lits disponibles.
- Diminuer les hospitalisations inappropriées.
- Réduire les re-consultations et les répétitions d’examens.
- Limiter les transferts.
Un objectif secondaire concernait également la réduction des procédures judiciaires à l’encontre des urgences dans le cas où la prise en charge des patients n’était pas optimale.
Aviez-vous anticipé un impact pour la collectivité?
Notre ambition pour la collectivité était de :
- Diminuer les hospitalisations évitables.
- Réduire les examens redondants.
- Limiter les transports sanitaires.
- Éviter les complications d’hospitalisation.
- Soulager les médecins de ville.
Comment est-ce que le personnel de l’hôpital a appréhendé et accueilli ce projet ?
TELE-SCOPE a reçu une réponse très favorable et une acceptation du protocole de la part des médecins spécialistes, urgentistes et personnels paramédicaux. L’équipe soignante est satisfaite de cette prise en charge.
Comment avez-vous évalué les effets attendus ?
Nous avons réalisé une étude prospective et comparative sur 2 périodes de 4 mois : une phase de contrôle (en janvier, février, avril et mai 2019) et une phase de test (en février, juillet, août et septembre 2020). Cette étude multidisciplinaire reposaient sur 6 éléments :
- Comparaison du niveau d’encombrement des urgences.
- Comparaison du taux d’hospitalisation dans les 72 heures après la téléconsultation.
- Enquête de satisfaction des patients.
- Comparaison des durées moyennes de passage entre les patients convoqués en téléconsultation et la globalité des patients reçus aux urgences.
- Évaluation de la perception d’encombrement des urgences par les professionnels soignants.
- Évaluation de l’aspect légal en comparant le nombre de plaintes reçues (griefs de contestation diagnostiques ou de prise en charge).
Retrouvez tous les détails de l’étude dans notre e-book : « La télémédecine à l’hôpital : Retour d’expérience du GHICL ».

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Quels sont les résultats de cette étude ?
Au sujet de l’encombrement, les résultats sont très positifs. En effet, grâce à la téléconsultation, nous avons augmenté de 160 heures la tension dite normale dans notre service d’urgences. En outre, nous avons réduit de 129 heures et de 19 heures le niveau “occupé” et “surchargé” de notre service.
Le taux d’hospitalisation a également été très satisfaisant : 152 hospitalisations ont été évitées sur 4 mois, soit 9,5 hospitalisations par semaine, ce qui est considérable au vu de la capacité d’hospitalisation de courte durée de notre service qui est de 7 places.
Quant aux patients, ils étaient satisfaits voire très satisfaits pour 91,8% des répondants, et 87,3% se déclarent prêts à reconsulter en téléconsultation.
Les durées moyennes de passage ont été étonnement rallongées : + 87 minutes pour les patients reconvoqués en téléconsultation et + 31 minutes pour tous les patients.
Le personnel a ressenti une réduction de l’encombrement des urgences en journée essentiellement. Ils sont également favorables au recours à la téléconsultation : 83% avant le déploiement de la télémédecine au sein des urgences, puis 95% suite à la mise en place du dispositif.
Pour ce qui est de l’aspect légal, nous avons reçu le même nombre de plaintes avant et pendant l’étude. Et aucune contre TELE-SCOPE.
Si vous deviez résumer le succès de ce projet ?
TELE-SCOPE est un dispositif sûr pour les patients et satisfaisant. Il nous a permis de réduire l’encombrement des urgences et qui a bénéficié du soutien de l’équipe des urgences.
Ce témoignage est extrait du Medaviz Live Télémédecine à l’hôpital : retour d’expérience du GHICL.

Après plus de 13 ans passés dans le secteur de la qualité de vie des patients, Marie rejoint l’aventure Medaviz en 2020 en tant que cheffe de projet marketing. Elle est depuis novembre 2024 la responsable de la communication de Medaviz.