Professionnel de santé ?

Quels sont les enjeux de santé pour les prochaines élections européennes ?

Les élections européennes à venir le dimanche 9 juin sont une occasion pour les citoyens de l’Union européenne (UE) de façonner l’avenir de la politique de santé du continent. Avec des défis tels que la prévention des maladies, la coopération européenne, le développement de l’intelligence artificielle (IA) en santé et l’expansion de la télémédecine, il est essentiel d’examiner les enjeux et les propositions des partis politiques. 

L’un des enjeux de l’élection sera le prochain programme santé de l’Union européenne, EU4Health, qui débutera en 2027. Cinquième du genre, ce programme sera l’occasion pour les décideurs politiques de l’UE de définir les priorités en matière de santé pour les années à venir. Y figurent en particulier les propositions concernant le budget alloué au programme santé, les domaines prioritaires d’action et les mesures concrètes qui seront mises en œuvre pour améliorer la santé des Européens. Les enjeux de ce prochain programme santé seront nombreux, notamment en ce qui concerne la lutte contre les maladies chroniques, la promotion de modes de vie sains, la réduction des inégalités en matière de santé et la préparation aux défis sanitaires futurs.

Les compétences de l’UE en matière de santé

L’Union Européenne a des compétences dans le domaine de la santé, bien que la responsabilité principale soit celle des États membres. Elles incluent : 

  • l’adoption de législations et réglementations, comme les normes de sécurité pour les médicaments et les dispositifs médicaux, et les règles sur les essais cliniques,
  • la promotion de la coopération et la coordination entre les États membres sur les questions de menaces pour la santé,
  • le soutien à la recherche et l’innovation à travers des programmes comme Horizon Europe,
  • la protection des consommateurs en veillant à la sécurité et l’efficacité des produits et services liés à la santé,
  • la mise en place de campagnes de sensibilisation et de prévention des maladies, 
  • ainsi que le soutien à la formation et la mobilité des professionnels de la santé entre les États membres.

Le contexte européen du secteur de la santé

Prévention

La prévention médicale est au cœur du projet de santé européen. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), jusqu’à 80 % des maladies cardiaques, des accidents vasculaires cérébraux et des cas de diabète de type 2 pourraient être évités grâce à des changements de mode de vie et une détection précoce. En outre, la santé mentale est devenue un enjeu majeur : une enquête Eurobaromètre réalisée en juin 2023 a révélé que près de 1 personne sur 2 (46 % de la population de l’UE) avait rencontré des problèmes émotionnels ou psychosociaux, tels que des sentiments de dépression ou d’anxiété, au cours des 12 mois précédents.

Coopération européenne

La pandémie de Covid-19 en 2020 a mis en évidence l’importance de la coopération européenne en cas de crise sanitaire. L’Union européenne a joué un rôle clé dans la coordination de la réponse à la pandémie, notamment en ce qui concerne l’achat et la distribution de vaccins. Cependant, la crise a également révélé des faiblesses dans le système d’alerte et de réponse de l’UE, ce qui a conduit à des appels pour renforcer la coopération et l’intégration.

La mise en œuvre et le déploiement de solutions de santé relèvent de la compétence des États membres de l’UE, mais celle-ci apporte un soutien financier et offre des plateformes de collaboration telles que le réseau « Santé en ligne », eHAction et le groupe des parties prenantes de la santé en ligne (eHSG). Ces plateformes permettent aux pays de l’UE de collaborer sur les questions liées à la santé en ligne et de contribuer à façonner la politique en matière d’interopérabilité et de normalisation des systèmes de santé.

L’UE soutient financièrement la santé par le biais de plusieurs instruments financiers, tels que le mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), le programme pour une Europe numérique et Horizon 2020. Le prochain programme EU4Health (2021-2027) continuera de soutenir l’action de l’Union européenne dans le domaine de la santé, avec un budget voté à hauteur de 5,1 milliards d’euros sur la période(*) (contre 1,6 milliards initialement proposé par le Conseil européen).

Développement de l’IA en santé

L’intelligence artificielle a le potentiel de révolutionner le secteur de la santé, avec des applications allant de l’imagerie médicale à la découverte de médicaments. La Commission envisage d’investir 1 milliard d’euros par an dans l’IA avec pour objectif d’attirer plus de 20 milliards d’euros d’investissements annuels dans l’UE sur les 10 prochaines années. Cependant, l’utilisation de l’IA soulève également des préoccupations en matière d’éthique, de protection de la vie privée et de sécurité, ce qui nécessite une réglementation et une gouvernance appropriées.

L’espace européen des données de santé (EHDS) est un projet de l’Union européenne qui vise à donner aux citoyens le contrôle de leurs données de santé et à faciliter l’échange de ces données pour améliorer les soins de santé dans toute l’UE. L’EHDS promeut aussi un marché unique pour les systèmes de dossiers médicaux électroniques et vise à mettre en place un système cohérent et fiable pour la réutilisation des données de santé à des fins de recherche, d’innovation et d’élaboration de politiques. Le projet s’appuie sur des cadres juridiques tels que le Règlement général sur la protection des données (RGPD) et la Directive sur la sécurité des réseaux et des systèmes d’information, et prévoit une possibilité d’opposition pour les citoyens. L’EHDS est actuellement en cours de développement, le Conseil de l’UE et le Parlement européen sont parvenus à un accord provisoire au printemps 2024(*). La Commission européenne cofinance des projets tels que HealthData@EU et Xt-EHR.

Et la télémédecine ?

La télémédecine est de plus en plus utilisée dans l’UE pour améliorer l’accès aux soins, en particulier dans les zones rurales et éloignées. Selon un rapport de la Commission européenne, environ 70 % des États membres de l’UE ont mis en place des politiques nationales de télémédecine, et le marché de la télémédecine dans l’UE pourrait atteindre 27,3 milliards d’euros* d’ici 2025. Cependant, il reste des défis à relever en matière de remboursement, d’interopérabilité et de protection des données.

La prévention médicale est au cœur du projet de santé européen

Quels sont les enjeux de prévention médicale au niveau européen ? 

Les enjeux de prévention médicale au niveau européen comprennent la lutte contre les maladies non transmissibles (MNT), telles que les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux et le diabète, qui sont les principales causes de décès et d’invalidité dans l’UE. La promotion de la santé mentale est également un enjeu majeur.

Pour améliorer la santé mentale des citoyens européens, il est important de promouvoir des modes de vie sains, tels que l’exercice physique régulier, une alimentation équilibrée et un sommeil suffisant. Les politiques de santé mentale devraient aussi se concentrer sur la prévention et la détection précoces des troubles mentaux, ainsi que sur la fourniture d’un traitement et d’un soutien appropriés aux personnes atteintes.

Les propositions des partis politiques sur les questions de santé et de prévention

Les partis politiques européens proposent différentes mesures pour améliorer la prévention médicale. Par exemple, le Parti populaire européen (PPE) propose de renforcer la coopération entre les États membres de l’UE dans la lutte contre les MNT, tandis que le Parti socialiste européen (PSE) propose de créer un fonds européen pour la santé afin de financer des programmes de prévention et de promotion de la santé. 

Les propositions à retenir :

  • Le groupe politique au Parlement européen Renew Europe a présenté un plan pour renforcer la recherche et le développement de vaccins et de traitements contre le cancer au sein de l’Union européenne. Ce plan, baptisé « Marie Curie pour la santé », vise à créer un programme de recherche dédié à la lutte contre le cancer, doté d’un budget de 10 milliards d’euros sur dix ans (1). Ce programme permettrait de soutenir les chercheurs et les entreprises européens dans le développement de nouveaux traitements et de vaccins contre le cancer, en favorisant la collaboration et le partage de connaissances.
  • Le Parti populaire européen (PPE) et les Verts ont proposé de constituer des stocks stratégiques européens de médicaments, d’équipements médicaux et de vaccins, afin de garantir l’accès aux soins pour tous les citoyens de l’UE en cas de crise sanitaire. Cette mesure permettrait également de réduire la dépendance de l’UE vis-à-vis de pays tiers pour l’approvisionnement en produits de santé (2). Les stocks stratégiques seraient gérés par l’Agence européenne des médicaments et l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, en collaboration avec les États membres.
  • Les Verts ont proposé de reconnaître le statut de proche-aidant au sein de l’UE, afin de soutenir les personnes qui s’occupent de leurs proches malades, âgés ou en situation de handicap. Cette mesure permettrait de mieux prendre en compte les besoins des proches-aidants, en leur offrant par exemple des formations, des soutiens psychologiques ou des congés spécifiques (3). Selon les Verts, la reconnaissance du statut de proche-aidant contribuerait aussi à renforcer la solidarité et l’entraide au sein de la société.
  • Le Parti socialiste européen (PSE) a proposé d’interdire les substances chimiques dangereuses pour la santé et l’environnement au sein de l’UE. Cette mesure permettrait de réduire l’exposition des citoyens européens à des substances toxiques, et de limiter les impacts négatifs sur la biodiversité et les écosystèmes (4). Le PSE souhaite également renforcer les contrôles et les sanctions en cas de non-respect de cette interdiction, et soutenir la recherche et le développement de solutions alternatives plus respectueuses de la santé et de l’environnement.
  • La Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) a présenté plusieurs propositions visant à améliorer la santé et la sécurité au travail dans l’UE avec notamment un plan européen d’éradication de l’amiante et une directive sur la santé et la sécurité des travailleurs pour mieux considérer les risques psychosociaux (prévention du burn-out, droit à la déconnexion, etc.). La parti souhaite aussi un objectif « zéro mort au travail » en renforçant les contrôles et les sanctions. La GUE/NGL a par ailleurs proposé de fixer des taux maximaux de sel, de sucre et d’acide gras saturés dans les aliments transformés au sein de l’UE. (5) (6) et (7)
  • Le parti des Conservateurs et Réformistes européens (ECR) propose de mettre en place une grande campagne européenne de prévention contre les trois fléaux majeurs qui menacent la santé mentale et physique de la jeunesse européenne : les drogues, l’addiction aux écrans et l’exposition à la pornographie. Cette mesure permettrait de sensibiliser les jeunes Européens aux risques sanitaires liés à ces comportements et de renforcer la prévention en Europe.
  • Le groupe politique Identité et Démocratie souhaite notamment promouvoir la recherche et la coopération entre Etats mais également accentuer la lutte contre la fraude et le trafic de médicaments, et renforcer la sécurité sanitaire alimentaire en Europe. Pour ce faire, il promet davantage de contrôles aux frontières et une amélioration de la traçabilité des aliments.

Sources : 

  1. https://www.renew-europe.eu/en/newsroom/news/renew-europe-presents-marie-curie-for-health-plan-to-boost-cancer-research/
  2. https://www.greens-efa.eu/en/article/news/stockpiling-of-medical-equipment-a-european-strategic-autonomy-issue/
  3. https://www.greens-efa.eu/en/article/news/recognising-and-supporting-carers-in-europe/> 
  4. https://www.socialistsanddemocrats.eu/en/newsroom/news/pesticides-endocrine-disruptors-gmos-socialists-and-democrats-plan-protect-our-health-and-environment 
  5. https://www.guengl.eu/news/article/for-a-europe-free-from-asbestos 
  6. https://www.guengl.eu/news/article/psychosocial-risks-and-stress-at-work-the-eu-must-act-now 
  7. https://www.guengl.eu/news/article/towards-a-healthy-and-sustainable-food-policy-for-the-eu

E-santé : la révolution de l’IA et le rôle de la télémédecine

Cas d’usage, réglementation et rôle dans le futur

Les principaux cas d’usage de l’IA en santé comprennent l’imagerie médicale, la découverte de médicaments, la médecine personnalisée et la surveillance de la santé publique. L’IA peut aider à améliorer la précision et l’efficacité de ces processus, ce qui peut conduire à de meilleurs résultats pour les patients et à une utilisation plus efficace des ressources de santé.

La réglementation de l’IA dans l’UE est en cours de développement. En 2021, la Commission européenne a proposé un règlement sur l’IA, qui établissait des règles et des normes pour l’utilisation de l’IA dans l’UE. Ce règlement(*) couvrirait tous les secteurs, y compris la santé, et comprendrait des dispositions sur la transparence, l’exactitude, la protection de la vie privée et la sécurité. Le renforcement de la législation sur l’IA dans l’UE doit amener à garantir que l’utilisation de l’IA dans le secteur de la santé est sûre, éthique et conforme aux normes et aux valeurs européennes. Cela pourrait impliquer l’adoption de règles et de normes plus strictes pour l’utilisation de l’IA dans la santé, ainsi que la création d’un organisme de réglementation de l’IA pour la santé.

Dans 10 ans, l’IA pourrait jouer un rôle encore plus important dans le secteur de la santé. Elle pourrait ainsi être utilisée pour prédire et prévenir les maladies avant qu’elles ne se manifestent, pour personnaliser les traitements en fonction des caractéristiques génétiques et du mode de vie des individus, et pour surveiller en temps réel les menaces pour la santé publique. Cependant, cela nécessitera des investissements importants dans la recherche et le développement, ainsi qu’une réglementation et une gouvernance appropriées.

Le Digital Services Act : une avancée majeure dans la régulation des plateformes en ligne et des services numériques dans l’UE

Le Digital Services Act (DSA) est une législation proposée par la Commission européenne en décembre 2020, visant à réguler les plateformes en ligne et les services numériques dans l’Union européenne. L’un des objectifs clés du DSA est de renforcer la responsabilité des grands acteurs du numérique en matière de gestion des risques systémiques qu’ils génèrent.

Concrètement, les entreprises concernées par le DSA devront effectuer une évaluation annuelle des risques liés à leurs activités en ligne, notamment en ce qui concerne la haine et la violence en ligne, les droits fondamentaux, le discours civique, les processus électoraux et la santé publique. Elles devront également mettre en place des mesures concrètes pour atténuer ces risques, telles que le respect de codes de conduite, la suppression des faux comptes ou encore une visibilité accrue des sources d’information faisant autorité.

Le DSA prévoit aussi la création d’un conseil de surveillance européen, chargé de superviser la mise en œuvre de la législation et de coordonner les actions des autorités nationales. Les entreprises qui ne respecteront pas les règles du DSA s’exposeront à des sanctions financières importantes, pouvant aller jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires mondial.

En renforçant la responsabilité des grands acteurs du numérique en matière de gestion des risques systémiques, la législation vise à protéger les droits fondamentaux des citoyens européens et à garantir un espace numérique plus sûr et plus fiable.

Comment la télémédecine accompagne-t-elle l’amélioration de la santé en Europe ?

La télémédecine peut aider à améliorer l’accès aux soins de santé, notamment dans les zones rurales et éloignées, et à réduire les coûts et les temps d’attente pour les patients. Elle peut également contribuer à améliorer la coordination et la continuité des soins, en particulier pour les patients atteints de maladies chroniques. Selon un rapport de la Commission européenne, environ 70 % des États membres de l’UE ont mis en place des politiques nationales de télémédecine, et le marché de la télémédecine dans l’UE pourrait atteindre 27,3 milliards d’euros d’ici 2025.

Pour tirer pleinement parti du potentiel de la télémédecine en Europe, il est important de relever les défis qui subsistent en matière de remboursement, d’interopérabilité et de protection des données. Cela pourrait impliquer la création de normes et de protocoles communs pour la télémédecine dans l’UE, ainsi que la mise en place de mécanismes de remboursement transfrontaliers pour les consultations à distance. Il est également important d’investir dans la formation et le soutien des professionnels de la santé pour la mise en œuvre de la télémédecine.

Dimanche 9 juin : aux urnes citoyens !

Le 9 juin, les citoyens de l’UE ont l’occasion de façonner l’avenir de la politique de santé en votant aux élections européennes. Les mesures proposées par les partis politiques ont vocation à améliorer la prévention, renforcer la coopération et réglementer l’utilisation de l’IA. Autant de sujets phares pour la vie quotidienne de chacun.